Sur la Wölfli-Kantata de Georges Aperghis
Evan Rothstein
En audio sur ce site : Vittriool (2ème mouvement de la cantate)
L’évolution a-parallèle
Dans Mille Plateaux, Deleuze et Guattari citent un concept de Rémy Chauvin pour parler de la relation étrange entre la guêpe et l’orchidée, l’idée de « l’évolution a-parallèle ». « L’orchidée se déterritorialise en formant une image, un calque de guêpe ; mais la guêpe se reterritorialise sur cette image. La guêpe se déterritorialise pourtant, devenant elle-même une pièce dans l’appareil de reproduction de l’orchidée ; mais elle reterritorialise l’orchidée, en en transportant le pollen. La guêpe et l’orchidée font rhizome, en tant qu’hétérogènes. » Cette image évoque, selon les termes de Chauvin, une « évolution a-parallèle de deux êtres qui n’ont absolument rien à voir l’un avec l’autre ».
Qui connaît l’abondante production de musique vocale de Georges Aperghis et l’encore plus abondante production d’écrits et de dessins d’Adolf Wölfli ne peut qu’être frappé par les nombreux éléments témoignant d’une telle évolution a-parallèle entre les deux œuvres, aussi décalées qu’elles puissent être dans le temps, dans l’espace, dans la condition même de la création et dans leurs objectifs artistiques. On retrouve dans les deux cette curieuse fascination pour l’énumération, les listes, les chiffres, les constructions géométriques et symétriques et, surtout, l’élaboration d’un vocabulaire noyant des mots ou bouts de phrases dans un brouillard de vocables non signifiants. Les deux œuvres partagent la construction de vastes architectures décoratives et sensibles, visuelles et mystérieusement sonores, ainsi qu’une recherche permanente et quasi obsessionnelle de sens dans le sensible, dans l’ineffable, dans l’inexprimable. À cela, on peut ajouter l’emploi constant de structures composées de strates denses superposées et fluctuantes, très contrastées mais toujours liées par une logique interne qui, rendue visible par certains traits et figures répétitifs, reste inarticulée et insaisissable.
Au-delà de ces éléments concrets, on remarque d’autres convergences intrigantes : Wölfli a entièrement produit son œuvre dans le cadre d’un asile, encouragé par son psychiatre dans un des premiers cas de reconnaissance du potentiel non seulement thérapeutique mais pleinement artistique de la production des schizophrènes. Cette expérience trouve son écho, cinquante ans après la mort de Wölfli, dans un projet d’opéra pour lequel Aperghis est censé écrire la musique… en collaboration avec Félix Guattari, très connu pour son engagement concernant la force créative des résidents de la clinique psychiatrique à La Borde (projet jamais réalisé).
Mais ces points de convergence sont aussi de dangereux leurres ; la cantate d’Aperghis ne représente pas les tableaux ou les écrits de Wölfli, elle se laisse guidée par tout ce qui s’y trouve dedans et dehors de cette œuvre et en effectuant cette opération d’une profonde écoute et entente, elle l’incarne et la déborde. On reste avec l’impression que pour Aperghis, l’œuvre de Wölfli se pliedans la musique. Dans le sens exprimé par Deleuze et Guattari, ce sont deux choses différentes qui font rhizome. « Il n’y a pas imitation ni ressemblance, mais explosion de deux séries hétérogènes dans la ligne de fuite composée d’un rhizome commun qui ne peut plus être attribué, ni soumis à quoi que ce soit de signifiant. »
Une relation avec la voix et la langue
L’œuvre vocale de Georges Aperghis est marquée par une façon très personnelle de traiter la voix et les textes. Les éléments caractéristiques de cette approche se manifestent déjà dans les années soixante-dix, et la richesse d’invention, de processus et de techniques nouvelles ne cesse de s’approfondir et de se multiplier depuis. Au niveau purement vocal, cette approche vise à humaniser la production sonore, exploitant un réseau de techniques de production de son élargi tout en repoussant constamment les limites de la performativité. Au niveau du texte, il serait le plus souvent question de dégager un sens supplémentaire du sens primaire du texte, ou tout simplement d’en déjouer la signification par sa décomposition en phonèmes non signifiants (on pense à l’emploi par Aperghis, dans Histoire de loups, de textes en faux russe et allemand). Cette humanisation de la voix chantée conjuguée au travail des textes a un impact sur les choix de figures mélodiques et sur la déclamation, donc sur le rythme : la fluidité, la théâtralité et la grande diversité d’expression de cette musique vient du fait qu’il y a pertinence et justesse dans chaque geste musical. Antoine Gindt le dit bien : « La préparation du texte, la manière de le protéger du déjà-entendu, de l’écarter des habitudes de la poésie, du théâtre ou du parler de la vie quotidienne, s’assimilent à un travail mélodique qui se construit et s’imbrique dans l’écriture musicale. Le texte n’est pas réfléchi en dehors de la musique : chaque phonème est dès sa naissance affublé d’une action sonore. » Cette justesse n’est pas bien différente, dans la relation intime qu’elle suppose entre le son et le sens non lexical des vocables, que celle qu’on retrouve dans la musique de Schubert ou de Janácek. Ce qui en diffère est l’absence de psychologie dramatique spécifique : ici la métaphore prime sur le narratif.
Parallèlement à sa production d’opéra et de théâtre musical, Aperghis expérimente toutes ces techniques avec une affinité confirmée pour la voix dans une série de compositions chorales – dont les trois oratorios Vesper (1971),Liebestod (1981-1987) et Die Hamletmaschine-Oratorio (1999-2000) – et de pièces vocales plus intimes, plutôt pour une ou deux voix : Récitations (1978), Solo (1983), Six Tourbillons (1989), Monomanies (1991), Cinq Calme-plats(1992), Rondo (1994), 14 Jactations (2001) et Pubs (1 et 2) en 2002. Dans toutes ces œuvres, ainsi que dans les pièces de théâtre musical, Aperghis fait preuve d’une aptitude à capter et à exploiter la couleur saisissante, le rythme particulier ou le sens implicite des sons – signifiants ou non – sans s’appuyer sur une quelconque représentation du texte ou d’un sentiment préétabli. Il joue ainsi avec le pouvoir métaphorique de la musique vocale, produisant des textes « troués » qui répondent à l’exigence exprimée par Umberto Eco selon laquelle une bonne métaphore interdit d’arrêter la recherche de la signification. Sa musique vocale produit, et c’est à nouveau le cas de la Wölfli-Kantata, ce que Deleuze et Guattari appellent des « chaînons sémiotiques », qui sont « comme un tubercule agglomérant des actes très divers, linguistiques, mais aussi perceptifs, mimiques, gestuels, cogitatifs : il n’y a pas de langues en soi, ni d’universalité de langage, mais un concours de dialectes, de patois, d’argots, de langues spéciales. »
Un art hors temps, ancré dans un réel imaginaire
Adolf Wölfli (1864-1930) est né sous le signe de la pauvreté et de la marginalité. Le Berne de son enfance est marqué par des crises économiques graves, et sa famille en est touchée d’une façon directe : le père, maçon sans travail et alcoolique, est jeté à plusieurs reprises en prison avant d’abandonner la famille ; ses deux frères aussi sont fréquemment incarcérés. En 1872, sa mère meurt, et commence pour Wölfli des errances et des privations dans des familles d’accueil. Après quelques activités mais sans véritable métier, Wölfli est plusieurs fois arrêté pour avoir tenté de molester de très jeunes filles, et en 1895 il est envoyé au l’asile de Waldau. Il y restera jusqu’à la fin de sa vie.
Presque miraculeusement, Wölfli a pu découvrir à l’asile son attirance pour le dessin. Les premiers dessins qui nous restent témoignent déjà de cette tendance caractéristique au remplissage, à l’organisation géométrique, au développement d’icones et de symboles, ainsi qu’à l’inscription de textes signifiants et de vocables non signifiants directement dans les images. (Ce sont d’ailleurs les compositions qui serviront de point de départ à la première pièce de la Wölfli-Kantata, Petrrohl, dont le titre, avec sa curieuse orthographe, vient vraisemblablement d’un dessin de 1904.) Il commence parallèlement à remplir des cahiers avec des écrits quasi autobiographiques, mêlant librement éléments vrais et inventés.
L’arrivée à l’asile de Walter Morgenthaler, psychiatre bernois déterminé à encourager l’activité artistique de Wölfli, a constitué un tournant. Premier collectionneur de l’œuvre de Wölfli, Morgenthaler publie la première monographie consacrée à la production artistique d’un malade, Ein Geisteskranker als Künstler ; il aide activement l’artiste à travailler et à vendre ses dessins et tableaux. Cet intérêt pour la créativité des schizophrènes trouvera un écho dans le mouvement de l’art brut dans les années quarante et cinquante ; Jean Dubuffet et André Breton, parmi les fondateurs du mouvement, étaient également collectionneurs de l’art de Wölfli.
La production de l’artiste a été prodigieuse : l’œuvre de Wölfli compte des dizaines de milliers de pages de cahiers, de textes, de dessins et de tableaux. Son œuvre narrative se divise en cinq groupes – tout comme les cinq mouvements de la cantate (une coïncidence ?) –, dont au moins trois ont servi de source pour la cantate d’Aperghis : Von der Wiege bis zum Graab (1908-1912), Geographische un Allgebräische Hefte (1912-1916), Hefte mit Liedern und Tänzen (1917-1922), Allbumm=Hefte mit Liedern und Märschen (1924-1928) et Trauer=Marsch (1928-1930).
Dans le premier groupe, le texte est accompagné de dessins au crayon (752 !) d’une grande densité, alliant décoration et figuration. Comme dans l’œuvre de William Blake, dessin et texte n’occupent pas systématiquement des champs séparés : chaque feuille illustrée se distingue par une interconnexion fluide entre texte et image, une juxtaposition de strates contrastées en mutation permanente d’une feuille à une autre. On trouvera l’écho de ce travail plastique dans l’œuvre du compositeur : ce groupe servira de source pour les troisième et cinquième pièces de la cantate.
Dans le deuxième groupe, Wölfli décrit les aventures de « Saint Adolf Création Géante ». Ici apparaissent des tableaux-chiffres et tableaux-musique, c’est-à-dire des feuilles remplies de listes et de symboles, parfois illustrées avec d’autres figures. Selon Elka Spoerri, les calculs d’intérêts sur la fortune fantastique accumulée par le Wölfli du récit seraient à l’origine des tableaux-chiffres. Les dimensions démesurées des personnages et des sommes nécessitent l’invention de chiffres : dans l’extrait employé par Aperghis dans sa deuxième pièce, Die Stellung der Zahlen, le comptage, dépassant les quadrillions, énumère des chiffres imaginaires – Regoniff, Suniff, Jeratiff, Unitif, Vidoniss, Weratif, Hylotif – jusqu’au terrible Oberon, puis, encore plus haut, Zorn.
Le dernier groupe, la marche funèbre, est apparemment composé par Wölfli en anticipation de sa propre mort (Aperghis l’utilisera comme source pour la quatrième pièce, Trauer-Marsch). Ici, le monde extérieur surgit dans les cahiers sous la forme de photos, de publicités et d’autres illustrations découpées dans des magazines, notamment le Illustrated London News, et collées sur les feuilles par ailleurs remplies de texte. Wölfli semble avoir conçu ce groupe comme une immense composition musicale, bien qu’il n’utilise pas de notation musicale précise : « Tous ceux qui savent quelque chose sur la musique seront capables de jouer la marche, elle sera imprimée et récoltera des centaines de milliers de francs. »
Une œuvre monumentale, fragile et mystérieuse
La Wölfli-Kantata, immense œuvre pour chœur et solistes a cappella d’un compositeur dont le parcours est très étroitement associé à l’écriture vocale depuis plus de trente ans, est donc née de la rencontre du compositeur avec les tableaux et les textes d’Adolf Wölfli, bernois, résident permanent d’asile et icône de l’art brut du début du XXe siècle. Une première pièce de douze minutes,Petrrohl, est composée en 2001, mais le projet d’une pièce plus importante n’attend que la convergence de temps, d’opportunité et de moyens pour se réaliser. Ce sera fait en 2005. Par une de ces coïncidences dont le monde est fait, Aperghis enseignera entretemps lui-même à Berne.
Plusieurs traits de l’œuvre de Wölfli semblent attirer l’attention du compositeur. D’abord, au niveau du langage, Aperghis constate que des strates de distanciation donnent de l’épaisseur aux textes de Wölfli : l’artiste écrit dans un allemand doublement transformé, par son dialecte bernois et par son langage très personnel (ce qui explique l’orthographe particulière des titres de chaque mouvement de la cantate). Du point de vue du compositeur, « il avait déjà fait le travail pour moi. » Les bouts de phrases tout à fait compréhensibles sont mêlés à des chaînes de phonèmes sans signification apparente, mais porteuses d’un grand potentiel musical. Une couche supplémentaire est ajoutée par la présence de nombreux tabous et de non-dits, des mots ou sujets renvoyant aux expériences douloureuses ou honteuses du passé de Wölfli, que son état ne lui permet pas d’évoquer directement.
Wölfli construit également de longues listes de chiffres, des calculs visionnaires avec des noms imaginaires, qu’Aperghis pourra exploiter d’une façon rythmique. Mais il n’est pas exact d’affirmer que l’artiste a « fait le travail » au préalable à la place du compositeur : dans chaque pièce de la cantate, Aperghis se sert des textes – comme des dessins ou tableaux – d’une manière différente. Et il apparaît que son objectif n’est pas seulement de traiter le texte, ou de le mettre en musique, mais de réaliser ce troisième sens qui émane de la relation qui se tisse dans la confrontation de tous les éléments.
Dans Petrrohl, première pièce à six voix solistes, Aperghis compose un texte à partir des mots trouvés dans au moins quatre dessins différents de 1905-1906 (Walldorf=Astooria=Hotel, Hotel Windsoor in New=York, Hotel Stern, Riisen=Glocke Grampo Lina). Certains des textes semblent porteurs d’un sens, bien qu’ambigu – « Miss Rokefehler, die jüngste Tochter, des Petrohl=Konigs in Pensilvanien » –, d’autres semblent posséder une valeur plutôt incantatrice – « Zuk a Freia, i da Scheia », « General glaas Peer Krinolina Schliiicha Vögeli Der Mond hat Keine Chuah Witt das Grittali ». Mais Aperghis brouille les pistes en juxtaposant des bribes de textes de toute sorte, de façon à créer des textures, des couleurs et des articulations sans interprétation lexicale possible. Avec les références au capital, au luxe et aux personnages des classes aisées – « Barem Kapital », « Dollar in Kapital », « Miss WanderBild Webb Die Reichste Amerikannerinn », « Hotel Windsor in New York », – il serait tentant d’y voir un sous-texte, mais ces mots sont, dans la texture dense de polyphonies, à peine perceptibles. Comme le dit le compositeur : « Ce qui m’intéresse, c’est le chaos, c’est de prendre le risque de se perdre dans son propre chaos. »
La deuxième pièce, Die Stellung der Zahlen1, monumentale, est pour chœur (soprano-alto-ténor-basse) et comprend jusqu’à trente-six parties indépendantes. Ici, dans une longue première partie, l’emploi de blocs sonores, de strates possédant des vitesses contrastées, la répétition et l’opposition d’articulations courtes et de longues tenues sont très étroitement liés aux textes tirés de ces tableaux-chiffres. L’emploi de la Sprechstimme (Aperghis écrit « parlando ») pour des passages d’énumération contraste avec d’immenses accords de clusters en valeurs longues, au milieu et à la fin de la pièce. Même si, pour le compositeur, la musique suit sa propre logique et « le texte se plie dans la musique », il est difficile ici de ne pas entendre une réalisation musicale de l’idée même du récit exalté du « Saint Adolf Création Géante » : une longue section à la fin de la pièce apparaît même comme une sorte de délire quasi religieux, ponctué de rires et d’exclamation incongrues – « ha ha ha », « Viva alla », « Gloria » – et finissant sur « Amen ».
Vitriool, à nouveau pour six solistes, est un interlude curieux et amusant. Wölfli pratiquait une sorte de musique, jouant régulièrement sur une trompette en papier, écrivant ce qu’il appelait des marches et des mélodies. Mais souvent, ses portées de musique n’ont pas de notes – et inversement – et ses indications musicales, notamment d’instrumentation, se trouvent uniquement dans les marges. La musique de Wölfli est donc une musique plutôt imaginaire. Jouant sur un registre plus intime et conversationnel, Aperghis évoque ici, et même avec des petits madrigalismes (sur « comme une mandoline », « schönes Lied » ou « geschwungen »), les listes d’instruments trouvées dans divers textes et dessins : MANDOLINEN, BASSGEIGEN, GEIGEN, LAUTTEN, POSAUNE, ZITTERN… Le nom de l’artiste se trouve caché dans divers passages « ADOLPH ZOLFLI PATIENNT WALDAU », donnant l’impression que la partition possède encore d’innombrables codes et chiffrements. La pièce se termine avec un glissement chromatique prolongé de toutes les voix de l’aigu vers le grave.
Le Trauer-Marsch cache également en plusieurs endroits le nom de l’artiste, notamment d’une façon répétée et quasi obsessionnelle à la fin. La répétition de mystérieuses phrases scandées – « SäCHZäH CHER EIS » – mais constamment déplacées métriquement est un des éléments distinctifs de la pièce. Cet aspect structurel est relayé jusque dans la présentation graphique de la partition : sur certaines pages, les procédures additives ou décalées produisent une sorte d’Augenmusik, formant des figures géométriques aussi intéressantes à voir qu’à entendre.
La cinquième pièce peut être entendue comme une déchirante thrénodie. Fragmentaire, au ralenti (40 = la noire !), tournant autour des mêmes notes constamment modifiées par quarts de ton, elle commence par un changement radical de texture : un long solo de contre-ténor. Isolement, éloignement, solitude, incompréhension. Ce changement de texture et de couleur se poursuit, puisque la pièce est la seule à unir le chœur et les six solistes.
Le texte, extrait du premier groupe de textes, Von der Wiege bis zum Graab(« Du berceau à la tombe ») est complexe, tellement rempli de non-dits qu’il est presque intraduisible. Est-ce qu’il exprime le douloureux souvenir de ce que l’auteur a fait, ce qu’il a subi, ou ce qu’il souhaite ? Est-ce que l’emploi de certains mots (« blind », « Find », « Grind ») pour en cacher d’autres exprime un sentiment de culpabilité ? La musique persiste dans son rôle, ici exemplaire, nous interdisant d’arrêter la recherche de la signification, nous amenant à une écoute sensible de cette réalité indéchiffrable.
"Que voulez-vous (faire) avec mon enfant ?
Il est, en fait, tous les jours aveugle (blind).
Il n’a ni maison ni foyer :
Il va chez un perfide (Find) :
Celui-ci le pince une fois fortement dans le – (Grind).
C’est la rime la plus belle
Oh courage repris, ô jeune personne :
Va chez moi/toi, mon enfant, va chez moi/toi2."
Evan Rothstein
__________________
1 « L’importance des chiffres ». Merci à Christian Kogler pour son aide précieuse dans la traduction et l’interprétation de l’allemand très particulier de Wölfli.
2 Traduction et pistes d’interprétation de Christina Kogler.
Evan Rothstein
En audio sur ce site : Vittriool (2ème mouvement de la cantate)
L’évolution a-parallèle
Dans Mille Plateaux, Deleuze et Guattari citent un concept de Rémy Chauvin pour parler de la relation étrange entre la guêpe et l’orchidée, l’idée de « l’évolution a-parallèle ». « L’orchidée se déterritorialise en formant une image, un calque de guêpe ; mais la guêpe se reterritorialise sur cette image. La guêpe se déterritorialise pourtant, devenant elle-même une pièce dans l’appareil de reproduction de l’orchidée ; mais elle reterritorialise l’orchidée, en en transportant le pollen. La guêpe et l’orchidée font rhizome, en tant qu’hétérogènes. » Cette image évoque, selon les termes de Chauvin, une « évolution a-parallèle de deux êtres qui n’ont absolument rien à voir l’un avec l’autre ».
Qui connaît l’abondante production de musique vocale de Georges Aperghis et l’encore plus abondante production d’écrits et de dessins d’Adolf Wölfli ne peut qu’être frappé par les nombreux éléments témoignant d’une telle évolution a-parallèle entre les deux œuvres, aussi décalées qu’elles puissent être dans le temps, dans l’espace, dans la condition même de la création et dans leurs objectifs artistiques. On retrouve dans les deux cette curieuse fascination pour l’énumération, les listes, les chiffres, les constructions géométriques et symétriques et, surtout, l’élaboration d’un vocabulaire noyant des mots ou bouts de phrases dans un brouillard de vocables non signifiants. Les deux œuvres partagent la construction de vastes architectures décoratives et sensibles, visuelles et mystérieusement sonores, ainsi qu’une recherche permanente et quasi obsessionnelle de sens dans le sensible, dans l’ineffable, dans l’inexprimable. À cela, on peut ajouter l’emploi constant de structures composées de strates denses superposées et fluctuantes, très contrastées mais toujours liées par une logique interne qui, rendue visible par certains traits et figures répétitifs, reste inarticulée et insaisissable.
Au-delà de ces éléments concrets, on remarque d’autres convergences intrigantes : Wölfli a entièrement produit son œuvre dans le cadre d’un asile, encouragé par son psychiatre dans un des premiers cas de reconnaissance du potentiel non seulement thérapeutique mais pleinement artistique de la production des schizophrènes. Cette expérience trouve son écho, cinquante ans après la mort de Wölfli, dans un projet d’opéra pour lequel Aperghis est censé écrire la musique… en collaboration avec Félix Guattari, très connu pour son engagement concernant la force créative des résidents de la clinique psychiatrique à La Borde (projet jamais réalisé).
Mais ces points de convergence sont aussi de dangereux leurres ; la cantate d’Aperghis ne représente pas les tableaux ou les écrits de Wölfli, elle se laisse guidée par tout ce qui s’y trouve dedans et dehors de cette œuvre et en effectuant cette opération d’une profonde écoute et entente, elle l’incarne et la déborde. On reste avec l’impression que pour Aperghis, l’œuvre de Wölfli se pliedans la musique. Dans le sens exprimé par Deleuze et Guattari, ce sont deux choses différentes qui font rhizome. « Il n’y a pas imitation ni ressemblance, mais explosion de deux séries hétérogènes dans la ligne de fuite composée d’un rhizome commun qui ne peut plus être attribué, ni soumis à quoi que ce soit de signifiant. »
Une relation avec la voix et la langue
L’œuvre vocale de Georges Aperghis est marquée par une façon très personnelle de traiter la voix et les textes. Les éléments caractéristiques de cette approche se manifestent déjà dans les années soixante-dix, et la richesse d’invention, de processus et de techniques nouvelles ne cesse de s’approfondir et de se multiplier depuis. Au niveau purement vocal, cette approche vise à humaniser la production sonore, exploitant un réseau de techniques de production de son élargi tout en repoussant constamment les limites de la performativité. Au niveau du texte, il serait le plus souvent question de dégager un sens supplémentaire du sens primaire du texte, ou tout simplement d’en déjouer la signification par sa décomposition en phonèmes non signifiants (on pense à l’emploi par Aperghis, dans Histoire de loups, de textes en faux russe et allemand). Cette humanisation de la voix chantée conjuguée au travail des textes a un impact sur les choix de figures mélodiques et sur la déclamation, donc sur le rythme : la fluidité, la théâtralité et la grande diversité d’expression de cette musique vient du fait qu’il y a pertinence et justesse dans chaque geste musical. Antoine Gindt le dit bien : « La préparation du texte, la manière de le protéger du déjà-entendu, de l’écarter des habitudes de la poésie, du théâtre ou du parler de la vie quotidienne, s’assimilent à un travail mélodique qui se construit et s’imbrique dans l’écriture musicale. Le texte n’est pas réfléchi en dehors de la musique : chaque phonème est dès sa naissance affublé d’une action sonore. » Cette justesse n’est pas bien différente, dans la relation intime qu’elle suppose entre le son et le sens non lexical des vocables, que celle qu’on retrouve dans la musique de Schubert ou de Janácek. Ce qui en diffère est l’absence de psychologie dramatique spécifique : ici la métaphore prime sur le narratif.
Parallèlement à sa production d’opéra et de théâtre musical, Aperghis expérimente toutes ces techniques avec une affinité confirmée pour la voix dans une série de compositions chorales – dont les trois oratorios Vesper (1971),Liebestod (1981-1987) et Die Hamletmaschine-Oratorio (1999-2000) – et de pièces vocales plus intimes, plutôt pour une ou deux voix : Récitations (1978), Solo (1983), Six Tourbillons (1989), Monomanies (1991), Cinq Calme-plats(1992), Rondo (1994), 14 Jactations (2001) et Pubs (1 et 2) en 2002. Dans toutes ces œuvres, ainsi que dans les pièces de théâtre musical, Aperghis fait preuve d’une aptitude à capter et à exploiter la couleur saisissante, le rythme particulier ou le sens implicite des sons – signifiants ou non – sans s’appuyer sur une quelconque représentation du texte ou d’un sentiment préétabli. Il joue ainsi avec le pouvoir métaphorique de la musique vocale, produisant des textes « troués » qui répondent à l’exigence exprimée par Umberto Eco selon laquelle une bonne métaphore interdit d’arrêter la recherche de la signification. Sa musique vocale produit, et c’est à nouveau le cas de la Wölfli-Kantata, ce que Deleuze et Guattari appellent des « chaînons sémiotiques », qui sont « comme un tubercule agglomérant des actes très divers, linguistiques, mais aussi perceptifs, mimiques, gestuels, cogitatifs : il n’y a pas de langues en soi, ni d’universalité de langage, mais un concours de dialectes, de patois, d’argots, de langues spéciales. »
Un art hors temps, ancré dans un réel imaginaire
Adolf Wölfli (1864-1930) est né sous le signe de la pauvreté et de la marginalité. Le Berne de son enfance est marqué par des crises économiques graves, et sa famille en est touchée d’une façon directe : le père, maçon sans travail et alcoolique, est jeté à plusieurs reprises en prison avant d’abandonner la famille ; ses deux frères aussi sont fréquemment incarcérés. En 1872, sa mère meurt, et commence pour Wölfli des errances et des privations dans des familles d’accueil. Après quelques activités mais sans véritable métier, Wölfli est plusieurs fois arrêté pour avoir tenté de molester de très jeunes filles, et en 1895 il est envoyé au l’asile de Waldau. Il y restera jusqu’à la fin de sa vie.
Presque miraculeusement, Wölfli a pu découvrir à l’asile son attirance pour le dessin. Les premiers dessins qui nous restent témoignent déjà de cette tendance caractéristique au remplissage, à l’organisation géométrique, au développement d’icones et de symboles, ainsi qu’à l’inscription de textes signifiants et de vocables non signifiants directement dans les images. (Ce sont d’ailleurs les compositions qui serviront de point de départ à la première pièce de la Wölfli-Kantata, Petrrohl, dont le titre, avec sa curieuse orthographe, vient vraisemblablement d’un dessin de 1904.) Il commence parallèlement à remplir des cahiers avec des écrits quasi autobiographiques, mêlant librement éléments vrais et inventés.
L’arrivée à l’asile de Walter Morgenthaler, psychiatre bernois déterminé à encourager l’activité artistique de Wölfli, a constitué un tournant. Premier collectionneur de l’œuvre de Wölfli, Morgenthaler publie la première monographie consacrée à la production artistique d’un malade, Ein Geisteskranker als Künstler ; il aide activement l’artiste à travailler et à vendre ses dessins et tableaux. Cet intérêt pour la créativité des schizophrènes trouvera un écho dans le mouvement de l’art brut dans les années quarante et cinquante ; Jean Dubuffet et André Breton, parmi les fondateurs du mouvement, étaient également collectionneurs de l’art de Wölfli.
La production de l’artiste a été prodigieuse : l’œuvre de Wölfli compte des dizaines de milliers de pages de cahiers, de textes, de dessins et de tableaux. Son œuvre narrative se divise en cinq groupes – tout comme les cinq mouvements de la cantate (une coïncidence ?) –, dont au moins trois ont servi de source pour la cantate d’Aperghis : Von der Wiege bis zum Graab (1908-1912), Geographische un Allgebräische Hefte (1912-1916), Hefte mit Liedern und Tänzen (1917-1922), Allbumm=Hefte mit Liedern und Märschen (1924-1928) et Trauer=Marsch (1928-1930).
Dans le premier groupe, le texte est accompagné de dessins au crayon (752 !) d’une grande densité, alliant décoration et figuration. Comme dans l’œuvre de William Blake, dessin et texte n’occupent pas systématiquement des champs séparés : chaque feuille illustrée se distingue par une interconnexion fluide entre texte et image, une juxtaposition de strates contrastées en mutation permanente d’une feuille à une autre. On trouvera l’écho de ce travail plastique dans l’œuvre du compositeur : ce groupe servira de source pour les troisième et cinquième pièces de la cantate.
Dans le deuxième groupe, Wölfli décrit les aventures de « Saint Adolf Création Géante ». Ici apparaissent des tableaux-chiffres et tableaux-musique, c’est-à-dire des feuilles remplies de listes et de symboles, parfois illustrées avec d’autres figures. Selon Elka Spoerri, les calculs d’intérêts sur la fortune fantastique accumulée par le Wölfli du récit seraient à l’origine des tableaux-chiffres. Les dimensions démesurées des personnages et des sommes nécessitent l’invention de chiffres : dans l’extrait employé par Aperghis dans sa deuxième pièce, Die Stellung der Zahlen, le comptage, dépassant les quadrillions, énumère des chiffres imaginaires – Regoniff, Suniff, Jeratiff, Unitif, Vidoniss, Weratif, Hylotif – jusqu’au terrible Oberon, puis, encore plus haut, Zorn.
Le dernier groupe, la marche funèbre, est apparemment composé par Wölfli en anticipation de sa propre mort (Aperghis l’utilisera comme source pour la quatrième pièce, Trauer-Marsch). Ici, le monde extérieur surgit dans les cahiers sous la forme de photos, de publicités et d’autres illustrations découpées dans des magazines, notamment le Illustrated London News, et collées sur les feuilles par ailleurs remplies de texte. Wölfli semble avoir conçu ce groupe comme une immense composition musicale, bien qu’il n’utilise pas de notation musicale précise : « Tous ceux qui savent quelque chose sur la musique seront capables de jouer la marche, elle sera imprimée et récoltera des centaines de milliers de francs. »
Une œuvre monumentale, fragile et mystérieuse
La Wölfli-Kantata, immense œuvre pour chœur et solistes a cappella d’un compositeur dont le parcours est très étroitement associé à l’écriture vocale depuis plus de trente ans, est donc née de la rencontre du compositeur avec les tableaux et les textes d’Adolf Wölfli, bernois, résident permanent d’asile et icône de l’art brut du début du XXe siècle. Une première pièce de douze minutes,Petrrohl, est composée en 2001, mais le projet d’une pièce plus importante n’attend que la convergence de temps, d’opportunité et de moyens pour se réaliser. Ce sera fait en 2005. Par une de ces coïncidences dont le monde est fait, Aperghis enseignera entretemps lui-même à Berne.
Plusieurs traits de l’œuvre de Wölfli semblent attirer l’attention du compositeur. D’abord, au niveau du langage, Aperghis constate que des strates de distanciation donnent de l’épaisseur aux textes de Wölfli : l’artiste écrit dans un allemand doublement transformé, par son dialecte bernois et par son langage très personnel (ce qui explique l’orthographe particulière des titres de chaque mouvement de la cantate). Du point de vue du compositeur, « il avait déjà fait le travail pour moi. » Les bouts de phrases tout à fait compréhensibles sont mêlés à des chaînes de phonèmes sans signification apparente, mais porteuses d’un grand potentiel musical. Une couche supplémentaire est ajoutée par la présence de nombreux tabous et de non-dits, des mots ou sujets renvoyant aux expériences douloureuses ou honteuses du passé de Wölfli, que son état ne lui permet pas d’évoquer directement.
Wölfli construit également de longues listes de chiffres, des calculs visionnaires avec des noms imaginaires, qu’Aperghis pourra exploiter d’une façon rythmique. Mais il n’est pas exact d’affirmer que l’artiste a « fait le travail » au préalable à la place du compositeur : dans chaque pièce de la cantate, Aperghis se sert des textes – comme des dessins ou tableaux – d’une manière différente. Et il apparaît que son objectif n’est pas seulement de traiter le texte, ou de le mettre en musique, mais de réaliser ce troisième sens qui émane de la relation qui se tisse dans la confrontation de tous les éléments.
Dans Petrrohl, première pièce à six voix solistes, Aperghis compose un texte à partir des mots trouvés dans au moins quatre dessins différents de 1905-1906 (Walldorf=Astooria=Hotel, Hotel Windsoor in New=York, Hotel Stern, Riisen=Glocke Grampo Lina). Certains des textes semblent porteurs d’un sens, bien qu’ambigu – « Miss Rokefehler, die jüngste Tochter, des Petrohl=Konigs in Pensilvanien » –, d’autres semblent posséder une valeur plutôt incantatrice – « Zuk a Freia, i da Scheia », « General glaas Peer Krinolina Schliiicha Vögeli Der Mond hat Keine Chuah Witt das Grittali ». Mais Aperghis brouille les pistes en juxtaposant des bribes de textes de toute sorte, de façon à créer des textures, des couleurs et des articulations sans interprétation lexicale possible. Avec les références au capital, au luxe et aux personnages des classes aisées – « Barem Kapital », « Dollar in Kapital », « Miss WanderBild Webb Die Reichste Amerikannerinn », « Hotel Windsor in New York », – il serait tentant d’y voir un sous-texte, mais ces mots sont, dans la texture dense de polyphonies, à peine perceptibles. Comme le dit le compositeur : « Ce qui m’intéresse, c’est le chaos, c’est de prendre le risque de se perdre dans son propre chaos. »
La deuxième pièce, Die Stellung der Zahlen1, monumentale, est pour chœur (soprano-alto-ténor-basse) et comprend jusqu’à trente-six parties indépendantes. Ici, dans une longue première partie, l’emploi de blocs sonores, de strates possédant des vitesses contrastées, la répétition et l’opposition d’articulations courtes et de longues tenues sont très étroitement liés aux textes tirés de ces tableaux-chiffres. L’emploi de la Sprechstimme (Aperghis écrit « parlando ») pour des passages d’énumération contraste avec d’immenses accords de clusters en valeurs longues, au milieu et à la fin de la pièce. Même si, pour le compositeur, la musique suit sa propre logique et « le texte se plie dans la musique », il est difficile ici de ne pas entendre une réalisation musicale de l’idée même du récit exalté du « Saint Adolf Création Géante » : une longue section à la fin de la pièce apparaît même comme une sorte de délire quasi religieux, ponctué de rires et d’exclamation incongrues – « ha ha ha », « Viva alla », « Gloria » – et finissant sur « Amen ».
Vitriool, à nouveau pour six solistes, est un interlude curieux et amusant. Wölfli pratiquait une sorte de musique, jouant régulièrement sur une trompette en papier, écrivant ce qu’il appelait des marches et des mélodies. Mais souvent, ses portées de musique n’ont pas de notes – et inversement – et ses indications musicales, notamment d’instrumentation, se trouvent uniquement dans les marges. La musique de Wölfli est donc une musique plutôt imaginaire. Jouant sur un registre plus intime et conversationnel, Aperghis évoque ici, et même avec des petits madrigalismes (sur « comme une mandoline », « schönes Lied » ou « geschwungen »), les listes d’instruments trouvées dans divers textes et dessins : MANDOLINEN, BASSGEIGEN, GEIGEN, LAUTTEN, POSAUNE, ZITTERN… Le nom de l’artiste se trouve caché dans divers passages « ADOLPH ZOLFLI PATIENNT WALDAU », donnant l’impression que la partition possède encore d’innombrables codes et chiffrements. La pièce se termine avec un glissement chromatique prolongé de toutes les voix de l’aigu vers le grave.
Le Trauer-Marsch cache également en plusieurs endroits le nom de l’artiste, notamment d’une façon répétée et quasi obsessionnelle à la fin. La répétition de mystérieuses phrases scandées – « SäCHZäH CHER EIS » – mais constamment déplacées métriquement est un des éléments distinctifs de la pièce. Cet aspect structurel est relayé jusque dans la présentation graphique de la partition : sur certaines pages, les procédures additives ou décalées produisent une sorte d’Augenmusik, formant des figures géométriques aussi intéressantes à voir qu’à entendre.
La cinquième pièce peut être entendue comme une déchirante thrénodie. Fragmentaire, au ralenti (40 = la noire !), tournant autour des mêmes notes constamment modifiées par quarts de ton, elle commence par un changement radical de texture : un long solo de contre-ténor. Isolement, éloignement, solitude, incompréhension. Ce changement de texture et de couleur se poursuit, puisque la pièce est la seule à unir le chœur et les six solistes.
Le texte, extrait du premier groupe de textes, Von der Wiege bis zum Graab(« Du berceau à la tombe ») est complexe, tellement rempli de non-dits qu’il est presque intraduisible. Est-ce qu’il exprime le douloureux souvenir de ce que l’auteur a fait, ce qu’il a subi, ou ce qu’il souhaite ? Est-ce que l’emploi de certains mots (« blind », « Find », « Grind ») pour en cacher d’autres exprime un sentiment de culpabilité ? La musique persiste dans son rôle, ici exemplaire, nous interdisant d’arrêter la recherche de la signification, nous amenant à une écoute sensible de cette réalité indéchiffrable.
"Que voulez-vous (faire) avec mon enfant ?
Il est, en fait, tous les jours aveugle (blind).
Il n’a ni maison ni foyer :
Il va chez un perfide (Find) :
Celui-ci le pince une fois fortement dans le – (Grind).
C’est la rime la plus belle
Oh courage repris, ô jeune personne :
Va chez moi/toi, mon enfant, va chez moi/toi2."
Evan Rothstein
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1 « L’importance des chiffres ». Merci à Christian Kogler pour son aide précieuse dans la traduction et l’interprétation de l’allemand très particulier de Wölfli.
2 Traduction et pistes d’interprétation de Christina Kogler.