Opéra sur un livret de Georges Aperghis et Peter Szendy, 2004
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* Sur cette page : Notes de travail, par Georges Aperghis | Notes sur le livret, par Peter Szendy |
Entretien Octors/Plouvier | Au sujet de l'électronique, par Sébastien Roux | Face à la tempête, extrait d’un entretien entre Georges Aperghis et Bastien Gallet | Liste des collaborateurs artistiques
* Le livret de "Avis de Tempête" est lisible ici.
Notes de travail
par Georges Aperghis
Tempête dans les esprits, dans les textes, dans les musiques, entre instruments / voix / sons électroniques qui écrivent et effacent à tour de rôle comme une vaste respiration. Construire - raconter puis perturber - effacer. Comme une histoire sans cesse recommencée.
Le corps du spectacle mis à mal par des perturbations internes. Moby Dick, Le Roi Lear, l'Homme au paratonnerre, ne sont que des allégories de la tempête mentale qui déchire le texte et le spectacle de l'intérieur.
Tempêtes immobiles aussi. Sorte de nouveauté de notre siècle. Tempêtes verticales - quasi calmes - beaucoup plus effrayantes que les tonnerres de campagne.
Le texte de Peter Szendy : "Le texte-Léviathan - Melville, la lecture et la prophétie", traverse cet opéra de part en part, sorte de basse continue, donnant à l'occasion la possibilité à des fulgurances, à des digressions.
La "Tempête" aussi comme un balayage ultime de toute habitude ˇ comme destruction de l'ordre établi, flux et reflux recommençant à l'infini comme le dit si bien la fin du texte de Peter Szendy:
"Le texte contient sa promesse d'écriture, qui elle-même le contient comme prophétie à venir. L'écriture n'est prophétique que dans ce recommencement où elle commence vraiment. La lecture, elle aussi, le sera dans la relecture. Il n'y a plus rien à vérifier ni à prédire. Tout a été, tout a eu lieu ; Et tout peut se réécrire, ou se relire, précisément parce que tout s'est déjà produit. Tout reste donc à dire. A raconter. Je t'écoute, maintenant, c'est à toi ».
Georges Aperghis, octobre 2003
Notes sur le texte
Peter Szendy
Comment répondre à sa demande, lorsqu’il me dit (c’était il y a trois ans) qu’il aimerait quelque chose pour un spectacle à venir sur la tempête ? Sur les tempêtes, toutes les tempêtes ?
Après bien des discussions et des essais tâtonnants (transcrire des bulletins météo, adapter Le tempestaire de Jean Epstein, reprendre L’Astronome, ce livret inachevé d’Artaud pour VarèseÉ ?), il y eut cet événement : nous sommes tombés, par hasard, sur la saisissante nouvelle de Melville, L’homme-paratonnerre. À partir de là s’est tissée, d’abord aveuglément, une trame dans laquelle nous avons chacun puisé, comme dans « un inconscient commun, souterrain » (ainsi qu’il me le disait, étonné, il y a quelques jours). La déchirant et la suturant à sa manière - délicatement retenue et souveraine à la fois -, il en aura fait l’une des lignes de fuite d’Avis de tempête.
De mon côté, comme pour revenir à moi après l’aventure inouïe dans laquelle il m’a entraîné, j’ai dû précipiter les lectures sauvages qui s’étaient accumulées dans la forme d’un essai : Les prophéties du texte-Léviathan. Lire selon Melville (Éditions de Minuit, 2004). Comment s’est-elle donc construite, cette trame de mots que nous avons pris l’habitude d’appeler, entre nous, notre texte-baleine ? Pour ce qui m’en revient (avant qu’il n’y réintroduise des boucles, des répétitions, des syllabes et des phonèmes sculptés, voire des fragments épars de textes glanés ensemble ici et là, chez Kafka, chez ShakespeareÉ), voici ce qui s’est passé.
Telle Shéhérazade pour qui l’avenir tient à la poursuite des récits, une voix ˇ celle d’un narrateur ˇ s’adresse à toi. Cette voix n’invente pas les fictions dont elle cherche à t’entretenir pour te retenir : elle les détourne, elle les emprunte (pour l’essentiel à Melville) et elle les commente infiniment. Elle ressasse ses gloses qui, toutes, tournent autour de la lecture, de l’acte de lire comme ouverture à une prophétie ou promesse d’avenir. Comme exposition à un événement improbable, imprévisible et imprélisible, dont la figure est la tempête et ses diverses formes (orage, cyclone, déluge).
Parmi les fragments que cette voix lit, interprète et traduit, deux récits de Melville forment des fils rouges qui s’enchevêtrent en s’appelant, en s’entretissant l’un dans l’autre : la petite nouvelle intitulée L’homme-paratonnerre et le grand roman, Moby Dick. Dans la nouvelle, celui qui parle et qui dit « je » sécrète non seulement le texte d’une tempête qui déferle, mais aussi, en son sein, un foyer d’intrusion qui reflue vers lui et le met hors de lui : délogé dans le déluge. Du roman, en revanche, viennent d’innombrables scènes qui représentent la lecture sous forme de dérives, pertes d’ancrage, déchirures où, paradoxalement, les prédictions et les présages se réalisent en brisant tout horizon d’attente.
Jusqu’au point où, tout étant déjà arrivé, rien n’étant plus à vérifier, l’événement semble avoir le champ libre : ça recommence, comme si le texte-Léviathan, infiniment ressassé et glosé, avait laissé échapper de lui-même une bulle. Ce qui s’y produit, c’est la répétition, c’est-à-dire l’inouï.
P. Szendy, novembre 2003
Entretien
par Georges-Elie Octors (direction musicale) et Jean-Luc Plouvier - octobre 2004
Georges-Elie Octors : Une caractéristique incroyable des oeuvres de Georges Aperghis, une surprise toujours renouvelée, est le contraste entre la limpidité de la partition et le caractère profus, vivant, organique, du résultat musical qui en sort. En ouvrant une partition de Georges, on croit renifler le bureau de bois où elle fut écrite patiemment, note par note, de son écriture serrée et méticuleuse. La simplicité, la transparence, la rigueur pourraient devenir pour l’interprète une épouvantable contrainte; mais il n’en est rien. Toute la partition est disposée de telle manière que le musicien s’en saisisse. Tout incite à lui donner vie. Et la raison profonde, c’est que toute son écriture, même la plus idiomatiquement instrumentale, est d’abord fondamentalement vocale.
Jean-Luc Plouvier : Aperghis écrit les partitions les plus épuisantes qu’il m’ait été donné de travailler. Je pense par exemple à l’oeuvre pour deux pianos que nous venons de créer, dans ce même théâtre . Comme tu le signales, il y a une authentique invitation à se saisir de cette musique, à la babiller pour soi-même, la faire rouler en bouche avant de se la mettre dans les doigts. Mais rythmiquement, chaque voix est précisément connectée aux autres selon toutes sortes de protocoles très subtils de canons, de hoquets, d’échos, de complémentarité, tout cela sous la pression d’une vitesse forcenée, presque sadique. Il y a une double contrainte qui attend l’interprète : il s’agit d’articuler, de dégager des syntagmes sonores à l’intérieur des voix - c’est la dimension linguistique que tu évoquais, ou pré-linguistique, para-linguistique, comme on voudra - sans jamais qu’il soit permis de lâcher la conscience de forger, avec ses partenaires musiciens, des objets sonores capturés dans le plexiglas - et c’est l’aspect horloger, collectionneur, entomologiste, ...
G-E O : « Des objets trouvés », dit-il. En effet - et je pense ici plus particulièrement aux parties de cuivres, à leurs grappes d’accords qui mouchètent toute l’oeuvre - le matériel semble plus ou moins importé. Mais importé d’où ? Disons simplement qu’il évoque, et il faudrait se permettre ici d’employer ce verbe intransitivement . Il évoque, ce sont des choses volées, auxquelles nous avons en charge d’injecter une identité neuve. Toute la puissance de ce compositeur réside dans cette combine-là : sa musique, il la vole peut-être, mais il nous l’offre !
On le sent par ailleurs décidé dans ses interprétations, convaincu dans ses choix - et cela rassure toute l’équipe, immédiatement. Mais il est surtout convaincu qu’on pourra décider, il est confiant dans la possibilité d’interpréter, assuré d’avoir offert suffisamment à travailler. L’interprète est en terre ferme avec lui, mais comme sur une nouvelle île : tout est à défricher, à conquérir.
J-L P : Lors des premières répétitions, j’étais saisi par le caractère « fauviste », disons, de l’écriture instrumentale. Aplats de couleurs vives, acides, métalliques, sans profondeur et sans clair-obscur. Toute la musique semble disposée sur une mince pellicule, qu’on déploie d’un seul coup à la barbe des gens pour les effrayer ou les faire rire, puis qu’on replie aussitôt le délit consommé. Et quand je dis : « pour les faire rire », je n’en suis même pas si assuré. Cela faisait jadis l’essence du charme aperghien, c’était constitutif de sa relative bonhomie, tout cela : cette jouissance de la profusion, cette multiplicité de vases communicants, de doubles fonds, de machines qui se régulent et se dérèglent l’une l’autre, à l’infini, semant le sens aux quatre vents... Mais dans cet ouvrage-ci, l’aplatissement des niveaux de polyphonie, leur écrasement sur un seul plan, atteint un tel niveau de crudité, de panique ... « Fini de rire », devrait-on y inscrire en exergue. Cela dissone de manière très intéressante avec le livret de Szendy, pour qui la tempête semble être promesse, malgré tout, d’une interprétation inouïe, d’une relance. Mais la musique se montre ici bien plus brutale que le livret ; une digue semble avoir sauté, et plus rien n’assure l’étagement heureux de la pluralité des voix.
G-E O : Aperghis me racontait une intéressante histoire. Lorsqu’il est « en écriture » (et il y passe, je pense, le plus clair de ses jours), il travaille du matin au soir, sans manger, sans s’arrêter, accompagné seulement de ses bouteilles d’eau. Comme je lui demandais ce que représentaient pour lui les tournées et les séances de répétition à Bruxelles, il m’avouait sa difficulté à interrompre cette discipline de l’écriture quotidienne. Son angoisse portait essentiellement sur la retrouvaille avec la partition en cours : qu’allait-il arriver au moment de s’y remettre? Allait-il retrouver le fil ? Il lui était arrivé, en effet, de jeter de longs débuts de partitions (jusqu’à un acte entier d’opéra), car une interruption dans le rythme de travail l’avait « déconnecté du flux » de l’écriture. Je trouve cette histoire touchante et révélatrice. Les oeuvres de Georges Aperghis tiennent ensemble par la grâce d’une évidence interne, qui est de l’ordre du flot, du flux, du fluide. C’est une situation aussi puissante que fragile, et il faut un authentique travail d’équipe pour en supporter les conséquences : pour endosser et canaliser ce flot-là.
L’électronique dans Avis de Tempête
par Sébastien Roux (de l’Ircam), assistant musical
La collaboration de Georges Aperghis avec l’Ircam pour Avis de tempête a commencé en février 2003. Inspiré notamment de Moby Dick et du Roi Lear, le projet vise, à travers les textes, la musique, les vidéos, à représenter la tempête mentale, le trouble intérieur.
Cet opéra est une pièce mixte, composée d’une partie acoustique pour instruments et voix et d’une partie électronique. Cette partie est constituée de séquences dont l’élaboration a précédé l’écriture instrumentale qui s’est ainsi nourrie du matériau électronique. Les séquences, déclenchées au cours de la pièce, agissent comme une ponctuation dans la partition, comme un contrepoint à la fois timbral et spatial de l’orchestre.
De manière à traduire la tempête de l’esprit à travers le medium électronique, l’idée de Georges Aperghis était d’appliquer sur des échantillons d’instruments ou de voix des transformations susceptibles d’indiquer le dysfonctionnement. Georges a ainsi établi une liste de thèmes de recherche, évocations poétiques d’algorithmes : virus, squelette, enrichissement du timbre, notion de verticale, d’octave, d’ajout d’harmoniques. Je me suis appuyé sur ce vocabulaire pour fabriquer des outils informatiques, machines à tempête, interprétation personnelle des axes proposés par Georges Aperghis.
Quand Georges Aperghis a abordé le thème du dérèglement, du virus, allégories de la tempête, connaissant son travail sur la voix et les mots, j’ai immédiatement pensé au processus du cut-up. Cette technique a été rendue célèbre par l’écrivain américain William S. Burroughs (dont la voix apparaît durant une séquence !) et mise au point par Brion Gysin et lui-même. Le cut-up consiste à réarranger un texte en le découpant en fragments et en concaténant ces fragments de manière aléatoire dans le but de révéler, de donner de nouveaux sens au texte.
Comment traduire le cut-up à l’aide d’outils informatiques ? Le processus le plus pertinent m’a semblé être la synthèse granulaire, dont les fondements théoriques ont été établis par le chercheur et compositeur Curtis Roads. Cette technique permet tout d’abord de découper un échantillon sonore en fragments de l’ordre de la milliseconde, dits grains. Ces grains sont ensuite réarrangés aléatoirement pour former un objet sonore complexe. En étendant la taille des grains à la seconde, la synthèse granulaire devient un outil de composition à part entière, véritable cut-up numérique.
Le son propre de l’erreur numérique a constitué également un terrain d’exploration. La notion du virus digital a déjà été explorée par des artistes comme Yasuano Tone, ancien membre du collectif Fluxus, qui a travaillé sur les sons produits par des erreurs de lecture de cd, en utilisant des cds préparés (scarification de cds, collage de scotch sur le support). Chez Oval, dès le début des années 90, on trouve cette sonorité désormais connue du clic numérique (son que l’on entend quand un cd saute), véritable signature d’un mouvement musical appelé electronica. Il m’a semblé primordial d’introduire cette traduction sonore de l’erreur numérique dans les échantillons d’instrument, comme si un virus pénétrait le coeur du son.
Une autre façon d’introduire la tempête dans les instruments a été de travailler sur la modification de leur timbre. Divers processus ont été utilisés, notamment la création de multiphoniques artificielles réalisées à l’aide d’un outil de frequency shifting. Cette technique consiste à transposer le contenu spectral d’un son. La version transposée du son est ensuite ajoutée à l’original pour donner l’effet de multiphonique. Nous avons également réalisé des croisements improbables, à l’aide de filtrage par résonateurs, entre voix et instruments, les caractéristiques de l’un venant perturber celles de l’autre. Ainsi, on peut entendre pendant la pièce une voix qui semble parler à travers une flûte. Pour ce type de transformation, c’est le logiciel développé ResAn développé par l’équipe analyse/synthèse de l’Ircam qui a été utilisé.
Enfin, certains échantillons ont été squelettisés à l’aide de l’application AddAn (équipe analyse/synthèse). Pour réaliser le squelette d’un son, celui-ci était tout d’abord analysé en termes de partiels (les éléments harmoniques d’un son). Ensuite, ces partiels étaient utilisés pour synthétiser la partie harmonique. En calculant la différence entre le son original et la synthèse dite additive (synthèse par addition des partiels), nous obtenions le bruit, la squelettisation, la négation harmonique du son.
Une fois la pertinence de ces outils validée, ceux-ci ont été employés pour manipuler des échantillons des musiciens de l’ensemble ictus et des quatre solistes de la pièce. Une longue période d’expérimentation sur ces enregistrements a suivi. Chaque échantillon d’instrument ou de voix a subi une succession de traitements (par exemple, squelettisation, puis synthèse granulaire, puis croisement par résonateurs, etc).
Ces séances ont abouti à une imposante base de données, constituée de nombreuses heures de sons, organisés selon un nouveau vocabulaire : les carrousels, les verticales, les nués, les surfaces, les marteaux, les crayons/voix, la jungle, le flipperÉ
À partir de cette vaste collection de sons, Georges Aperghis et moi-même nous sommes livrés à un grand jeu de construction, d’assemblage, de superposition, pour finalement obtenir la série de séquences diffusées pendant la pièce. Par ailleurs, une partie des sons est utilisée par les deux claviéristes de l’orchestre, munis d’échantillonneurs.
Lors du concert, en opposition à la frontalité de l’orchestre, les séquences sont diffusées dans tout le volume de l’opéra. Elles englobent les spectateurs, la tempête envahit alors l’espace tout entier.
Je tiens à remercier tout particulièrement les assistants musicaux Eric Daubresse et Olivier Pasquet pour leurs conseils, leur disponibilité et leur aide précieuse.
Face à la tempête
par Georges Aperghis (extrait d’un entretien avec Bastien Gallet, avril 2004)
« L’électronique a commencé à m’intéresser quand j’ai découvert que le corps pouvait y trouver sa place. Avis de tempête est le deuxième projet que je réalise en collaboration avec l’Ircam. A la différence de Machinations, j’ai conçu la partie électronique de l’Ïuvre avant de composer la musique. Je dispose pour le moment de huit séquences électroniques de deux à cinq minutes chacune et c’est à partir d’elle, en les visitant, que je compose les parties instrumentales. Plus je compose, plus la musique devient contrastée, inquiétante, panique.
Au centre du dispositif scénique d’Avis de tempête, il y aura une tour dans laquelle habiteront le vidéaste et Sébastien Roux, mon assistant musical. Ils distribueront images et sons mais on ne les verra pas. Autour de cette tour, il y aura des écrans vidéos en forme de cerf-volants et les musiciens de l’ensemble Ictus. Les autres personnages seront en mouvement autour du centre, ils seront filmés par des caméras disposés sur la tour qui les saisiront devant des décors toujours différents. Ainsi d’autres scènes possibles s’ajouteront à la scène principale. On peut comparer ce dispositif à une machine à distribuer des lamelles de sens contradictoires avec lesquels les acteurs tisseront des histoires sans avoir jamais le temps de les compléter. La vraie tempête a lieu dans le crâne. Il y a un personnage qui parle tout le temps de son crâne, de son crâne qui se brise comme un verre d’eau qui glace.
Nous sommes tous traversés par des fluides, des sons, des images, des informations. Il devient très difficile de s’arrêter sur quelque chose. L’électronique me permet de réaliser cet état de transition perpétuelle, de sauter d’un univers à un autre. Un son abstrait devient la voix d’un acteur, un phonème devient de l’eau qui coule, un personnage peut être parcellisé puis reconstitué ailleurs. Je travaille sur deux mondes électroniques, un univers harmonique fait d’octaves faussées et un univers de bruits infimes amplifiés qui grossissent et emportent tout. L’électronique est là pour déstabiliser l’ensemble mais aussi pour le balayer comme le ferait une vraie tempête, le devancer, le prendre de court. Face à la tempête tout devient petit, ridicule.
L’assistant musical est pour moi un complice. Il doit entrer dans mon monde de virus, de maladies, de sons prédateurs. Il doit comprendre ce que je cherche, rendre un son squelettique ou au contraire le saturer, le surcharger jusqu’à ce qu’il explose, et traduire cela sur les machines de l’Ircam. »
Collaborateurs
Soprano : Donatienne Michel-Dansac
Baryton I : Lionel Peintre
Baryton II : Romain Bischoff
Actrice : Johanne Saunier
Direction : Georges-Elie Octors
Musique : Georges Aperghis
Livret, textes : Peter Szendy et Georges Aperghis
Mise en scène : Georges Aperghis
Création images, vidéo : Kurt D'Haeseleer/Filmfabriek
Scénographie : Peter Missotten/Filmfabriek
Assistant musical : Sébastien Roux/IRCAM
Régie son : Alex Fostier
Assistante à la mise en scène : Emilie Morin
Une commande de l’Opéra de Lille et du Ministère de la Culture.
Une co-production de l'Opéra de Lille, l'Opéra de Nancy et de Lorraine, l'IRCAM
Avec le soutien du Fonds de création lyrique et de l’association Beaumarchais
Entretien Octors/Plouvier | Au sujet de l'électronique, par Sébastien Roux | Face à la tempête, extrait d’un entretien entre Georges Aperghis et Bastien Gallet | Liste des collaborateurs artistiques
* Le livret de "Avis de Tempête" est lisible ici.
Notes de travail
par Georges Aperghis
Tempête dans les esprits, dans les textes, dans les musiques, entre instruments / voix / sons électroniques qui écrivent et effacent à tour de rôle comme une vaste respiration. Construire - raconter puis perturber - effacer. Comme une histoire sans cesse recommencée.
Le corps du spectacle mis à mal par des perturbations internes. Moby Dick, Le Roi Lear, l'Homme au paratonnerre, ne sont que des allégories de la tempête mentale qui déchire le texte et le spectacle de l'intérieur.
Tempêtes immobiles aussi. Sorte de nouveauté de notre siècle. Tempêtes verticales - quasi calmes - beaucoup plus effrayantes que les tonnerres de campagne.
Le texte de Peter Szendy : "Le texte-Léviathan - Melville, la lecture et la prophétie", traverse cet opéra de part en part, sorte de basse continue, donnant à l'occasion la possibilité à des fulgurances, à des digressions.
La "Tempête" aussi comme un balayage ultime de toute habitude ˇ comme destruction de l'ordre établi, flux et reflux recommençant à l'infini comme le dit si bien la fin du texte de Peter Szendy:
"Le texte contient sa promesse d'écriture, qui elle-même le contient comme prophétie à venir. L'écriture n'est prophétique que dans ce recommencement où elle commence vraiment. La lecture, elle aussi, le sera dans la relecture. Il n'y a plus rien à vérifier ni à prédire. Tout a été, tout a eu lieu ; Et tout peut se réécrire, ou se relire, précisément parce que tout s'est déjà produit. Tout reste donc à dire. A raconter. Je t'écoute, maintenant, c'est à toi ».
Georges Aperghis, octobre 2003
Notes sur le texte
Peter Szendy
Comment répondre à sa demande, lorsqu’il me dit (c’était il y a trois ans) qu’il aimerait quelque chose pour un spectacle à venir sur la tempête ? Sur les tempêtes, toutes les tempêtes ?
Après bien des discussions et des essais tâtonnants (transcrire des bulletins météo, adapter Le tempestaire de Jean Epstein, reprendre L’Astronome, ce livret inachevé d’Artaud pour VarèseÉ ?), il y eut cet événement : nous sommes tombés, par hasard, sur la saisissante nouvelle de Melville, L’homme-paratonnerre. À partir de là s’est tissée, d’abord aveuglément, une trame dans laquelle nous avons chacun puisé, comme dans « un inconscient commun, souterrain » (ainsi qu’il me le disait, étonné, il y a quelques jours). La déchirant et la suturant à sa manière - délicatement retenue et souveraine à la fois -, il en aura fait l’une des lignes de fuite d’Avis de tempête.
De mon côté, comme pour revenir à moi après l’aventure inouïe dans laquelle il m’a entraîné, j’ai dû précipiter les lectures sauvages qui s’étaient accumulées dans la forme d’un essai : Les prophéties du texte-Léviathan. Lire selon Melville (Éditions de Minuit, 2004). Comment s’est-elle donc construite, cette trame de mots que nous avons pris l’habitude d’appeler, entre nous, notre texte-baleine ? Pour ce qui m’en revient (avant qu’il n’y réintroduise des boucles, des répétitions, des syllabes et des phonèmes sculptés, voire des fragments épars de textes glanés ensemble ici et là, chez Kafka, chez ShakespeareÉ), voici ce qui s’est passé.
Telle Shéhérazade pour qui l’avenir tient à la poursuite des récits, une voix ˇ celle d’un narrateur ˇ s’adresse à toi. Cette voix n’invente pas les fictions dont elle cherche à t’entretenir pour te retenir : elle les détourne, elle les emprunte (pour l’essentiel à Melville) et elle les commente infiniment. Elle ressasse ses gloses qui, toutes, tournent autour de la lecture, de l’acte de lire comme ouverture à une prophétie ou promesse d’avenir. Comme exposition à un événement improbable, imprévisible et imprélisible, dont la figure est la tempête et ses diverses formes (orage, cyclone, déluge).
Parmi les fragments que cette voix lit, interprète et traduit, deux récits de Melville forment des fils rouges qui s’enchevêtrent en s’appelant, en s’entretissant l’un dans l’autre : la petite nouvelle intitulée L’homme-paratonnerre et le grand roman, Moby Dick. Dans la nouvelle, celui qui parle et qui dit « je » sécrète non seulement le texte d’une tempête qui déferle, mais aussi, en son sein, un foyer d’intrusion qui reflue vers lui et le met hors de lui : délogé dans le déluge. Du roman, en revanche, viennent d’innombrables scènes qui représentent la lecture sous forme de dérives, pertes d’ancrage, déchirures où, paradoxalement, les prédictions et les présages se réalisent en brisant tout horizon d’attente.
Jusqu’au point où, tout étant déjà arrivé, rien n’étant plus à vérifier, l’événement semble avoir le champ libre : ça recommence, comme si le texte-Léviathan, infiniment ressassé et glosé, avait laissé échapper de lui-même une bulle. Ce qui s’y produit, c’est la répétition, c’est-à-dire l’inouï.
P. Szendy, novembre 2003
Entretien
par Georges-Elie Octors (direction musicale) et Jean-Luc Plouvier - octobre 2004
Georges-Elie Octors : Une caractéristique incroyable des oeuvres de Georges Aperghis, une surprise toujours renouvelée, est le contraste entre la limpidité de la partition et le caractère profus, vivant, organique, du résultat musical qui en sort. En ouvrant une partition de Georges, on croit renifler le bureau de bois où elle fut écrite patiemment, note par note, de son écriture serrée et méticuleuse. La simplicité, la transparence, la rigueur pourraient devenir pour l’interprète une épouvantable contrainte; mais il n’en est rien. Toute la partition est disposée de telle manière que le musicien s’en saisisse. Tout incite à lui donner vie. Et la raison profonde, c’est que toute son écriture, même la plus idiomatiquement instrumentale, est d’abord fondamentalement vocale.
Jean-Luc Plouvier : Aperghis écrit les partitions les plus épuisantes qu’il m’ait été donné de travailler. Je pense par exemple à l’oeuvre pour deux pianos que nous venons de créer, dans ce même théâtre . Comme tu le signales, il y a une authentique invitation à se saisir de cette musique, à la babiller pour soi-même, la faire rouler en bouche avant de se la mettre dans les doigts. Mais rythmiquement, chaque voix est précisément connectée aux autres selon toutes sortes de protocoles très subtils de canons, de hoquets, d’échos, de complémentarité, tout cela sous la pression d’une vitesse forcenée, presque sadique. Il y a une double contrainte qui attend l’interprète : il s’agit d’articuler, de dégager des syntagmes sonores à l’intérieur des voix - c’est la dimension linguistique que tu évoquais, ou pré-linguistique, para-linguistique, comme on voudra - sans jamais qu’il soit permis de lâcher la conscience de forger, avec ses partenaires musiciens, des objets sonores capturés dans le plexiglas - et c’est l’aspect horloger, collectionneur, entomologiste, ...
G-E O : « Des objets trouvés », dit-il. En effet - et je pense ici plus particulièrement aux parties de cuivres, à leurs grappes d’accords qui mouchètent toute l’oeuvre - le matériel semble plus ou moins importé. Mais importé d’où ? Disons simplement qu’il évoque, et il faudrait se permettre ici d’employer ce verbe intransitivement . Il évoque, ce sont des choses volées, auxquelles nous avons en charge d’injecter une identité neuve. Toute la puissance de ce compositeur réside dans cette combine-là : sa musique, il la vole peut-être, mais il nous l’offre !
On le sent par ailleurs décidé dans ses interprétations, convaincu dans ses choix - et cela rassure toute l’équipe, immédiatement. Mais il est surtout convaincu qu’on pourra décider, il est confiant dans la possibilité d’interpréter, assuré d’avoir offert suffisamment à travailler. L’interprète est en terre ferme avec lui, mais comme sur une nouvelle île : tout est à défricher, à conquérir.
J-L P : Lors des premières répétitions, j’étais saisi par le caractère « fauviste », disons, de l’écriture instrumentale. Aplats de couleurs vives, acides, métalliques, sans profondeur et sans clair-obscur. Toute la musique semble disposée sur une mince pellicule, qu’on déploie d’un seul coup à la barbe des gens pour les effrayer ou les faire rire, puis qu’on replie aussitôt le délit consommé. Et quand je dis : « pour les faire rire », je n’en suis même pas si assuré. Cela faisait jadis l’essence du charme aperghien, c’était constitutif de sa relative bonhomie, tout cela : cette jouissance de la profusion, cette multiplicité de vases communicants, de doubles fonds, de machines qui se régulent et se dérèglent l’une l’autre, à l’infini, semant le sens aux quatre vents... Mais dans cet ouvrage-ci, l’aplatissement des niveaux de polyphonie, leur écrasement sur un seul plan, atteint un tel niveau de crudité, de panique ... « Fini de rire », devrait-on y inscrire en exergue. Cela dissone de manière très intéressante avec le livret de Szendy, pour qui la tempête semble être promesse, malgré tout, d’une interprétation inouïe, d’une relance. Mais la musique se montre ici bien plus brutale que le livret ; une digue semble avoir sauté, et plus rien n’assure l’étagement heureux de la pluralité des voix.
G-E O : Aperghis me racontait une intéressante histoire. Lorsqu’il est « en écriture » (et il y passe, je pense, le plus clair de ses jours), il travaille du matin au soir, sans manger, sans s’arrêter, accompagné seulement de ses bouteilles d’eau. Comme je lui demandais ce que représentaient pour lui les tournées et les séances de répétition à Bruxelles, il m’avouait sa difficulté à interrompre cette discipline de l’écriture quotidienne. Son angoisse portait essentiellement sur la retrouvaille avec la partition en cours : qu’allait-il arriver au moment de s’y remettre? Allait-il retrouver le fil ? Il lui était arrivé, en effet, de jeter de longs débuts de partitions (jusqu’à un acte entier d’opéra), car une interruption dans le rythme de travail l’avait « déconnecté du flux » de l’écriture. Je trouve cette histoire touchante et révélatrice. Les oeuvres de Georges Aperghis tiennent ensemble par la grâce d’une évidence interne, qui est de l’ordre du flot, du flux, du fluide. C’est une situation aussi puissante que fragile, et il faut un authentique travail d’équipe pour en supporter les conséquences : pour endosser et canaliser ce flot-là.
L’électronique dans Avis de Tempête
par Sébastien Roux (de l’Ircam), assistant musical
La collaboration de Georges Aperghis avec l’Ircam pour Avis de tempête a commencé en février 2003. Inspiré notamment de Moby Dick et du Roi Lear, le projet vise, à travers les textes, la musique, les vidéos, à représenter la tempête mentale, le trouble intérieur.
Cet opéra est une pièce mixte, composée d’une partie acoustique pour instruments et voix et d’une partie électronique. Cette partie est constituée de séquences dont l’élaboration a précédé l’écriture instrumentale qui s’est ainsi nourrie du matériau électronique. Les séquences, déclenchées au cours de la pièce, agissent comme une ponctuation dans la partition, comme un contrepoint à la fois timbral et spatial de l’orchestre.
De manière à traduire la tempête de l’esprit à travers le medium électronique, l’idée de Georges Aperghis était d’appliquer sur des échantillons d’instruments ou de voix des transformations susceptibles d’indiquer le dysfonctionnement. Georges a ainsi établi une liste de thèmes de recherche, évocations poétiques d’algorithmes : virus, squelette, enrichissement du timbre, notion de verticale, d’octave, d’ajout d’harmoniques. Je me suis appuyé sur ce vocabulaire pour fabriquer des outils informatiques, machines à tempête, interprétation personnelle des axes proposés par Georges Aperghis.
Quand Georges Aperghis a abordé le thème du dérèglement, du virus, allégories de la tempête, connaissant son travail sur la voix et les mots, j’ai immédiatement pensé au processus du cut-up. Cette technique a été rendue célèbre par l’écrivain américain William S. Burroughs (dont la voix apparaît durant une séquence !) et mise au point par Brion Gysin et lui-même. Le cut-up consiste à réarranger un texte en le découpant en fragments et en concaténant ces fragments de manière aléatoire dans le but de révéler, de donner de nouveaux sens au texte.
Comment traduire le cut-up à l’aide d’outils informatiques ? Le processus le plus pertinent m’a semblé être la synthèse granulaire, dont les fondements théoriques ont été établis par le chercheur et compositeur Curtis Roads. Cette technique permet tout d’abord de découper un échantillon sonore en fragments de l’ordre de la milliseconde, dits grains. Ces grains sont ensuite réarrangés aléatoirement pour former un objet sonore complexe. En étendant la taille des grains à la seconde, la synthèse granulaire devient un outil de composition à part entière, véritable cut-up numérique.
Le son propre de l’erreur numérique a constitué également un terrain d’exploration. La notion du virus digital a déjà été explorée par des artistes comme Yasuano Tone, ancien membre du collectif Fluxus, qui a travaillé sur les sons produits par des erreurs de lecture de cd, en utilisant des cds préparés (scarification de cds, collage de scotch sur le support). Chez Oval, dès le début des années 90, on trouve cette sonorité désormais connue du clic numérique (son que l’on entend quand un cd saute), véritable signature d’un mouvement musical appelé electronica. Il m’a semblé primordial d’introduire cette traduction sonore de l’erreur numérique dans les échantillons d’instrument, comme si un virus pénétrait le coeur du son.
Une autre façon d’introduire la tempête dans les instruments a été de travailler sur la modification de leur timbre. Divers processus ont été utilisés, notamment la création de multiphoniques artificielles réalisées à l’aide d’un outil de frequency shifting. Cette technique consiste à transposer le contenu spectral d’un son. La version transposée du son est ensuite ajoutée à l’original pour donner l’effet de multiphonique. Nous avons également réalisé des croisements improbables, à l’aide de filtrage par résonateurs, entre voix et instruments, les caractéristiques de l’un venant perturber celles de l’autre. Ainsi, on peut entendre pendant la pièce une voix qui semble parler à travers une flûte. Pour ce type de transformation, c’est le logiciel développé ResAn développé par l’équipe analyse/synthèse de l’Ircam qui a été utilisé.
Enfin, certains échantillons ont été squelettisés à l’aide de l’application AddAn (équipe analyse/synthèse). Pour réaliser le squelette d’un son, celui-ci était tout d’abord analysé en termes de partiels (les éléments harmoniques d’un son). Ensuite, ces partiels étaient utilisés pour synthétiser la partie harmonique. En calculant la différence entre le son original et la synthèse dite additive (synthèse par addition des partiels), nous obtenions le bruit, la squelettisation, la négation harmonique du son.
Une fois la pertinence de ces outils validée, ceux-ci ont été employés pour manipuler des échantillons des musiciens de l’ensemble ictus et des quatre solistes de la pièce. Une longue période d’expérimentation sur ces enregistrements a suivi. Chaque échantillon d’instrument ou de voix a subi une succession de traitements (par exemple, squelettisation, puis synthèse granulaire, puis croisement par résonateurs, etc).
Ces séances ont abouti à une imposante base de données, constituée de nombreuses heures de sons, organisés selon un nouveau vocabulaire : les carrousels, les verticales, les nués, les surfaces, les marteaux, les crayons/voix, la jungle, le flipperÉ
À partir de cette vaste collection de sons, Georges Aperghis et moi-même nous sommes livrés à un grand jeu de construction, d’assemblage, de superposition, pour finalement obtenir la série de séquences diffusées pendant la pièce. Par ailleurs, une partie des sons est utilisée par les deux claviéristes de l’orchestre, munis d’échantillonneurs.
Lors du concert, en opposition à la frontalité de l’orchestre, les séquences sont diffusées dans tout le volume de l’opéra. Elles englobent les spectateurs, la tempête envahit alors l’espace tout entier.
Je tiens à remercier tout particulièrement les assistants musicaux Eric Daubresse et Olivier Pasquet pour leurs conseils, leur disponibilité et leur aide précieuse.
Face à la tempête
par Georges Aperghis (extrait d’un entretien avec Bastien Gallet, avril 2004)
« L’électronique a commencé à m’intéresser quand j’ai découvert que le corps pouvait y trouver sa place. Avis de tempête est le deuxième projet que je réalise en collaboration avec l’Ircam. A la différence de Machinations, j’ai conçu la partie électronique de l’Ïuvre avant de composer la musique. Je dispose pour le moment de huit séquences électroniques de deux à cinq minutes chacune et c’est à partir d’elle, en les visitant, que je compose les parties instrumentales. Plus je compose, plus la musique devient contrastée, inquiétante, panique.
Au centre du dispositif scénique d’Avis de tempête, il y aura une tour dans laquelle habiteront le vidéaste et Sébastien Roux, mon assistant musical. Ils distribueront images et sons mais on ne les verra pas. Autour de cette tour, il y aura des écrans vidéos en forme de cerf-volants et les musiciens de l’ensemble Ictus. Les autres personnages seront en mouvement autour du centre, ils seront filmés par des caméras disposés sur la tour qui les saisiront devant des décors toujours différents. Ainsi d’autres scènes possibles s’ajouteront à la scène principale. On peut comparer ce dispositif à une machine à distribuer des lamelles de sens contradictoires avec lesquels les acteurs tisseront des histoires sans avoir jamais le temps de les compléter. La vraie tempête a lieu dans le crâne. Il y a un personnage qui parle tout le temps de son crâne, de son crâne qui se brise comme un verre d’eau qui glace.
Nous sommes tous traversés par des fluides, des sons, des images, des informations. Il devient très difficile de s’arrêter sur quelque chose. L’électronique me permet de réaliser cet état de transition perpétuelle, de sauter d’un univers à un autre. Un son abstrait devient la voix d’un acteur, un phonème devient de l’eau qui coule, un personnage peut être parcellisé puis reconstitué ailleurs. Je travaille sur deux mondes électroniques, un univers harmonique fait d’octaves faussées et un univers de bruits infimes amplifiés qui grossissent et emportent tout. L’électronique est là pour déstabiliser l’ensemble mais aussi pour le balayer comme le ferait une vraie tempête, le devancer, le prendre de court. Face à la tempête tout devient petit, ridicule.
L’assistant musical est pour moi un complice. Il doit entrer dans mon monde de virus, de maladies, de sons prédateurs. Il doit comprendre ce que je cherche, rendre un son squelettique ou au contraire le saturer, le surcharger jusqu’à ce qu’il explose, et traduire cela sur les machines de l’Ircam. »
Collaborateurs
Soprano : Donatienne Michel-Dansac
Baryton I : Lionel Peintre
Baryton II : Romain Bischoff
Actrice : Johanne Saunier
Direction : Georges-Elie Octors
Musique : Georges Aperghis
Livret, textes : Peter Szendy et Georges Aperghis
Mise en scène : Georges Aperghis
Création images, vidéo : Kurt D'Haeseleer/Filmfabriek
Scénographie : Peter Missotten/Filmfabriek
Assistant musical : Sébastien Roux/IRCAM
Régie son : Alex Fostier
Assistante à la mise en scène : Emilie Morin
Une commande de l’Opéra de Lille et du Ministère de la Culture.
Une co-production de l'Opéra de Lille, l'Opéra de Nancy et de Lorraine, l'IRCAM
Avec le soutien du Fonds de création lyrique et de l’association Beaumarchais