Georges Aperghis travaille depuis plus de trente ans à l’invention d’un théâtre musical qu’il définit ainsi : «l’envahissement du temple théâtral par le pouvoir abstrait de l’organisation musicale». Pas de livret mis en musique, mais un encodage polyphonique d’actions, d’images, de musiques, de gerbes de paroles et de chants, poussées à un haut niveau de profusion. Ouverture de multiples tiroirs, choc de multiples fragments, très têtus, très insistants, qui sculptent un espace mental à petits coups de ciseau.
Il y a comme un primitivisme chez lui, une forte impression de première fois : une langue qui s’invente, se réinvente, bredouille et se développe par essais et ratages, dans une expressivité tour à tour trop molle ou survoltée. C’est souvent drôle et féroce.
Les célèbres «Récitations» d'Aperghis, pour soprano solo, sont comme l’exploration des fondements du langage, de la connexion intime de la musique et des pulsions humaines. On croit y apercevoir la zone liminaire où le sens émergerait confusément des gestes de parole, qui lui seraient préalables : invocation, nomination, imprécation, jubilation...
Le détail de son écriture musicale est fidèle au projet d’ensemble : elle avance par à-coups, reprises, légers brouillages. Intervalles minuscules et glissants, sur-place harmonique, petites danses moléculaires, frémissements. Traversés ci et là de tonitruantes catastrophes.
[...]
JL Plouvier